REPENSER DEMAIN

Au travers de cette entrevue, Vincent Poitout, directeur de la recherche du CHUM et directeur scientifique du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM), nous aide à mieux comprendre le travail accompli par nos équipes de recherche et comment elles contribuent aux efforts scientifiques mondiaux pour relever les nombreux défis posés par la pandémie de COVID‑19. Il évoque l’importance de la collaboration et du partage de connaissances à l’échelle planétaire dans la lutte contre le SRAS‑CoV‑2, et nous donne de précieuses indications sur l’avenir.

Comment décririez-vous la façon dont a réagi notre communauté de recherche à la pandémie? Quels sont les principaux enseignements que vous en tirez?

Notre communauté a réagi avec une agilité remarquable et a fait preuve de créativité pour s’adapter à l’urgence sanitaire, bouleverser sa programmation de recherche et mettre en place rapidement des projets permettant de répondre aux questions scientifiques soulevées par la pandémie.

Par leur forte mobilisation, nos équipes de recherche ont été et demeurent à l’avant-garde scientifique dans plusieurs domaines pertinents, que ce soit en virologie, en immunologie, en épidémiologie ou en santé publique. Les équipes du CHUM et leur soutien indéfectible à nos projets de recherche impliquant des patients nous ont aussi permis de contribuer de manière substantielle à la génération de connaissances.

Au-delà du ralentissement des activités de recherche fondamentale ou de recherche clinique précoce, je crois qu’il faut retenir l’incroyable solidarité et résilience de toute notre communauté de recherche : chercheuses, chercheurs, étudiantes, étudiants et personnel de soutien à la recherche.

Notre communauté a su traverser la première année de cette pandémie en restant soudée et en contribuant activement à la lutte contre le coronavirus.

Dr Vincent Poitout
Directeur de la recherche du CHUM
Directeur scientifique du CRCHUM

Comment notre recherche contribue-t-elle à l’approche provinciale et canadienne face à la crise sanitaire?

La contribution des équipes de notre centre de recherche est très importante aux deux paliers de gouvernement où elles sont impliquées dans la gestion de la pandémie.

Sur le plan provincial, plusieurs chercheuses et des chercheurs du CRCHUM sont impliqués de près dans les décisions touchant la santé publique, la surveillance des variants du SRAS‑CoV‑2 ou les politiques vaccinales. D’autres informent et conseillent les instances dirigeantes, que ce soit au ministère de la Santé et des Services sociaux, aux Fonds de recherche du Québec ou à l’Université de Montréal.

Au niveau fédéral, par exemple, la chercheuse Nathalie Grandvaux est régulièrement consultée par le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, et son collègue André Finzi est très investi dans différents comités nationaux s’intéressant à l’infection par le SRAS‑CoV‑2, la vaccination et l’immunité.

Quelle est l’importance de la coopération mondiale au sein de la communauté scientifique et comment l’avez-vous vue se manifester au CRCHUM?

Même si nous ne l’avons pas quantifié, l’utilisation de serveurs de prépublication pour mettre librement à disposition de la communauté scientifique mondiale les données de recherche a beaucoup augmenté. Ce mouvement de fonds ne s’arrêtera pas. Très répandue en physique et en chimie depuis des années, la prépublication était jusque-là un mécanisme peu utilisé en biologie et sciences de la santé.

Dans le même ordre d’idée, on observe que le modèle de publication scientifique évolue. Il y a une réelle soif de la communauté pour que les données soient rapidement disponibles et libres de droits, et tant les organismes subventionnaires que les institutions, dont l’Université de Montréal, se dotent de politiques de libre accès. La manière dont on communique nos découvertes et dont elles vont être évaluées est en train de changer.

À la faveur de la pandémie, plus d’équipes de recherche ont ainsi travaillé en mode science ouverte. C’est le cas par exemple du projet CODA‑19, une grande collecte de données cliniques, de laboratoire et radiologiques menée par le Dr Michaël Chassé en collaboration avec neuf autres centres hospitaliers québécois et ontariens.

Ces données permettront de développer des modèles d’apprentissage automatique capables de diagnostiquer de façon précoce la COVID‑19, d’identifier les patients à haut risque de détérioration clinique ou de décès, et d’aider les médecins à prendre les meilleures décisions thérapeutiques

Pendant la pandémie, la désinformation s’est largement répandue. En matière de communication scientifique, pensez-vous que les faits ont été communiqués efficacement au public et quel est, selon vous, le rôle de nos chercheuses et chercheurs à cet égard?

En général, il y a eu des efforts de communication, mais il y a eu parfois des mélanges inappropriés de données scientifiques et de considérations politiques. Cela a amené de la confusion dans l’esprit des citoyens.

Dans certains médias, certains scientifiques, sous couvert de leur titre, se sont prononcés sur des sujets qu’ils ne maîtrisaient pas. Les pseudo-experts : c’est le véritable danger, selon moi. Leurs propos ont le malheur d’alimenter les tribunes complotistes et de contribuer à la désinformation.

Face aux fausses nouvelles, le centre de recherche s’attache à communiquer au public les faits scientifiques validés et les données probantes. Un devoir collectif, une responsabilité individuelle partagée par nos chercheuses et chercheurs qui ont pris la parole avec justesse et ont permis à la science de dialoguer avec la société.

Pensez-vous que cette pandémie va changer la façon dont le monde de la recherche fonctionne? À quoi devons-nous nous attendre à l’avenir?

Les priorités d’investissements des gouvernements vont changer dans les années à venir. Avec la pandémie actuelle, j’espère que nos décideurs ont pris la mesure de l’importance d’investir en amont pour produire des connaissances et d’être prêt à intervenir en cas de besoin.

Il faudra cependant veiller à ce que ces investissements ciblés ne se fassent pas aux dépens d’autres secteurs d’importance pour la santé des populations. Dans la dernière année, il y a eu beaucoup d’investissements en recherche sur la COVID, alors que la recherche sur les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète, etc., qui touchent et tuent beaucoup de Canadiens, demeure sous-financée.

Avec une économie à reconstruire, le Canada entend assurer sa capacité d’approvisionnement et son autonomie de production de plusieurs produits stratégiques, par exemple les vaccins, certains médicaments ou les équipements de protection individuelle. Dans le dernier budget fédéral, une somme de 2,2 milliards de dollars sur sept ans est réservée aux secteurs de la biofabrication et des sciences de la vie. Est-ce que cela traduira par des investissements en recherche fondamentale? Je l’espère!

Christine Bellefeuille
Télétravail, un ami qui vous veut du bien

Depuis plus d’un an, le tiers de la population active canadienne est en télétravail. Productifs depuis leur domicile, la majorité des télétravailleurs entend bien adopter cette façon de vivre le travail une fois la pandémie maîtrisée.

« La pandémie sera vécue comme une cassure, rappelle Christine Bellefeuille, conseillère senior en ressources humaines. Entre ce qui se faisait avant et aujourd’hui, ce que l’on prenait pour acquis! Malgré ses limites connues comme l’isolement professionnel et social, le télétravail va devenir la norme. Des aménagements en matière de flexibilité des horaires et de la conciliation travail-vie personnelle sont bien sûr à prévoir. »

Au CRCHUM, l’équipe des ressources humaines a fait preuve de résilience et a su accompagner les gestionnaires et les rassurer sur la capacité de leurs employés à s’autogérer. « Tant qu’il y a du respect, de l’écoute, de l’empathie et un bon service à la clientèle, cela fonctionne. Même à distance! »

Et, de l’empathie et de la compassion, il en a fallu à l’équipe RH qui a su guider et soutenir dans leurs démarches des membres endeuillés de la grande communauté du CRCHUM. Au-delà de la suite de chiffres quotidiens annoncés par les médias, les décès ont un visage familier.

« La reconnaissance de la recherche comme une activité essentielle est une excellente chose. Sa mise à l’avant-plan dans l’avancement des connaissances pendant plus d’un an aussi, notamment pour le recrutement de la relève. »

Avec ou sans pandémie, la vie continue. Différemment.