IMAGERIE ET INGÉNIERIE
ENTRE GENOU ET AVATAR
Réadapter par la technologie
La genougraphie, vous connaissez? Non. Ne cherchez pas dans vos dictionnaires. Mise au point pendant 20 ans par l’équipe de Nicola Hagemeister, chercheuse du CRCHUM et professeure à l’École de technologie supérieure (ÉTS), c’est un peu « l’électrocardiogramme » du genou.
À la base de la technologie : une orthèse, attachée à la jambe d’un patient et munie de capteurs reliés à des caméras. Capable d’enregistrer en 3D les mouvements du genou lors d’une simple marche sur un tapis roulant, elle aidera les médecins de famille à détecter plus facilement les anomalies liées à l’arthrose et aux blessures du genou.
Créé au Québec par une équipe d’ingénieurs, de médecins et de physiothérapeutes dirigée par la chercheuse, cet outil de diagnostic les épaulera aussi pour corriger les mauvais mouvements et personnaliser le traitement de chaque patient afin de diminuer leurs douleurs.
L’avantage de cette méthode? Montrer comment la personne bouge en situation réelle. Ici, le patient en mouvement supporte son propre poids, contrairement à la radiographie ou la résonance magnétique qui sont des technologies statiques.
Grâce à la genougraphie, les médecins de famille pourront prescrire une série d’exercices adaptés à chaque patient, corriger leurs démarches et même éviter des chirurgies inutiles.
Le champion olympique Bruny Surin a été l’un des premiers à en profiter, et le joueur de football, Laurent Duvernay‑Tardif, y a fait appel récemment.
Pour l’instant, le diagnostic n’est offert qu’en clinique privée, mais l’équipe de recherche, financée par le gouvernement du Québec, teste actuellement la technologie dans le réseau public de la santé.
L’imagination au service de la réadaptation
Au cœur du laboratoire du chercheur David Labbé, la technologie est omniprésente. Ici, la réalité virtuelle participe à la réadaptation des personnes qui ont subi un accident vasculaire cérébral.
Dans bien des cas, elles doivent corriger un défaut de leur démarche : leurs mouvements sont asymétriques du fait d’une faiblesse physique d’un côté.
Également professeur à l’ÉTS, David Labbé et son équipe font appel à des avatars, une représentation virtuelle du patient sur un grand écran, pour aider les patients à reprendre le contrôle moteur de leur corps.
En calquant progressivement leurs mouvements à ceux de leurs doubles à l’écran, les patients ont l’impression que leur corps virtuel et leur vrai corps ne font plus qu’un.
La réadaptation peut commencer : l’équipe scientifique modifie subtilement les mouvements de l’avatar que le patient essaie alors de suivre. Petit à petit, celui-ci corrige sa démarche sans s’en apercevoir.
« Plonger dans le corps » d’un avatar pourrait même aider des personnes qui sont très peu mobiles. Dans un récent projet de recherche, David Labbé permet aux patients de contrôler leur avatar… par l’imagination.
Par le biais d’électrodes posées sur la tête, ils peuvent s’entrainer par leurs pensées à faire déambuler leurs avatars dans un parcours fléché. Un pas vers la droite dans la tête équivaut alors à un pas vers la droite sur l’écran.
En reprenant mentalement le contrôle de leurs déplacements, les patients amorcent alors leur rééducation physique. Un pas d’avatar après l’autre.
Grands brûlés : une application mobile à la rescousse
Pour apporter rapidement le bon volume de solutés de réanimation à un grand brûlé, les médecins estiment le pourcentage de superficies corporelles brûlées en transposant ce qu’ils voient sur des schémas du corps en 2D.
Les risques? Une surestimation de la superficie de 50 % à 160 %. De quoi engendrer des complications médicales pouvant entrainer le décès du patient.
Pour pallier cette lacune, Jacques A. de Guise et son équipe ont mis au point une modélisation 3D reflétant la morphologie du corps entier d’un patient à partir des mesures de sa taille, de son tour de taille et de la circonférence de son cou.
Par le biais d’une application mobile, les cliniciens dessineront sur le modèle 3D les régions brûlées pour estimer automatiquement le pourcentage des superficies atteintes. Avec cette approche bientôt testée en milieu réel de soins, l’erreur d’évaluation de la surface brûlée est réduite de plus de 80 %.